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03/09/2006




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Description historique de l'Espace cistercien d'Aulps

Extrait du Dictionnaire d'Histoire et de géographie ecclésiastique
Paris, Letouzey, 1931

L'Abbaye Notre Dame d'Aulps (Notre Dame des Alpes, Santa Maria de Alpibus, Alpense Cœnobium) à St Jean d'Aulps est une abbaye cistercienne située dans le diocèse actuel d'Annecy depuis 1822 autrefois diocèse de Genève - dans le département de Haute-Savoie depuis 1860 - entre le Lac de Genève ou Léman et le Mont Blanc autrefois en Savoie duché du Chablais.

Sa fondation remonte aux années 1090 à 1094, pour certains en 1093, ce qui laisserait à penser que des équipes de reconnaissance auraient exploré les lieux avant un établissement définitif. Deux moines Guy et Guérin (Garinus) sortis de la grande abbaye bénédictine de Molesme en Bourgogne du Nord aux confins de la Champagne s'en étaient allés à travers le Jura et au-delà du Léman au pays de Chablais en quête d'une solitude profonde. Ils la trouvèrent dans ces montagnes couvertes de gras pâturages que l'on appelait les Alpes - l'alpe étant le pâturage naturel qui se situe au-dessus de la limite supérieure de l'étage forestier. Le domaine monastique que l'on y fonda s'appela normalement Notre-Dame des Alpes. Au début, ce ne fut qu'une simple "cella" ; en 1097, elle fut transformée en abbaye avec des droits et des devoirs nettement définis par Robert de Molesme qui, l'année suivante, allait quitter son abbaye pour fonder Cîteaux le "novum monasterium" le 21 mars 1098.

La date de 1110 est encore marquée par une intervention de Robert de Molesme demandé comme arbitre entre les abbés d’Aulps et de Balerne, il reconnaît que ce dernier doit soumission à celui d'Aulps, mais tous deux doivent respecter la juridiction supérieure de Molesme. Ce lien rattachant Aulps à sa maison mère ne devait pas tarder à disparaître ; en le brisant en 1120, le Pape Calixte II créait la possibilité d'introduire dans la jeune abbaye l'observance nouvelle qui, en ces mêmes années, ralliait dans la chrétienté des nombreux adeptes. Bernard de Clairvaux le plus illustre représentant et le plus puissant propagateur de l'observance cistercienne passait à Aulps en 1135. Sa parole ébranla l'abbé Guérin, qui, cependant ne se décida à demander son affiliation à Cîteaux que l'année suivante. Peu après, ce vieil abbé, riche de vertus et moine exemplaire, fut promu évêque de Sion en Valais. Ce fut pour Bernard de Clairvaux l'occasion de deux lettres qui sont demeurées célèbres (Epist. CXLII-CCLIV).

Aulps eut à peu près sept siècles d'existence : de la fin du XIème siècle à l'année 1779, quand la mense abbatiale fut annexée à l'archevêché de Chambéry. Entre ces deux dates extrêmes, l'Abbaye connut les vicissitudes ordinaires aux institutions de ce genre.

Dans la série des prélats, on signale un certain nombre de démissionnaires qui durent abdiquer pour incompétence ou manque d'énergie dans la répression des abus. Ces démissions d'ailleurs ne remédiaient pas toujours au mal. D'autre part, on vit plusieurs fois les abbés d'Aulps cumuler la prélature de différentes abbayes, ce gui n'était favorable à aucune d'elle. Exemple : Raoul de Blonay (†1368) gouverna tout à la fois Hauterive et Aulps. Jean l'Hoste continua de régir Chezeri après son élection à Aulps en 1434. Immédiatement après lui, commence la série des abbés commendataires avec Jean Louis de Savoie évêque de Genève en 1468. A la fin de ce même siècle, la communauté offre un spectacle peu consolant : la régularité est franchement en baisse. En 1537 et 1553, toutefois, reparaissent successivement deux abbés réguliers, mais dès 1564 la Commende reprend ses droits avec Pierre de Maillard.

Durant la période de ferveur, Aulps avait vu à deux reprises différentes son prélat appelé à une charge épiscopale : Saint Guérin (Garinus) I 1150 sur le siège de Sion en Valais dont on fait encore de nos jours mémoire dans l'office liturgique cistercien du 14 janvier. Thomas de Grammont devint évêque de Belley en 1249.

Par contre, on peut noter aussi qu’en 1393 l'Abbé d'Aulps fut atteint ainsi que plusieurs autres abbés de l'Ordre, par une sentence d'excommunication portée par le Chapitre général de Cîteaux pour cause de désobéissance : d'après les injonctions formelles de Benoît XII (1334) les abbés devaient envoyer aux "Studia Generalia" un ou plusieurs de leurs sujets, au prorata de l'importance de chaque abbaye. Il fut en conséquence, ayant fait la sourde oreille, frappé sans miséricorde par la sanction ecclésiastique.

La liste des pères abbés d'Aulps comporte cinquante cinq noms depuis Guy installé en 1093 jusqu'à N. de Blonay en 1750.

L'Abbaye d'Aulps fut sécularisée au printemps de 1793 conformément aux lois républicaines après la première annexion française et les derniers moines quittèrent la vallée pour n'y plus revenir.


Le plan d'une abbaye cistercienne type

Voici comment se présente généralement une abbaye cistercienne.

Le dortoir des moines occupe tout le côté est à l'étage.

Le dortoir des convers occupe tout le côté ouest à l'étage.

plan type

Plan d'une abbaye cistercienne type

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Le curé Alexis Coutin

par Jean Favre (président de l'AAAND'A)

S'il est une figure qui illustre l'Histoire de l'Abbaye N.D. d'Aulps dans les temps modernes, c'est bien celle du Révérend Alexis Coutin qui fut pendant vingt trois ans curé à St Jean d'Aulps pour la paroisse de Plan. Il fut, en cette première moitié du XXème siècle un prêtre semblable à tous ceux qui à travers les campagnes françaises redonnèrent à notre pays après la grande tourmente révolutionnaire le droit de redevenir la fille aînée de l'Eglise. Né à Montmin entre la Tournette et le lac d'Annecy dans une famille paysanne fort nombreuse et très croyante, le Père Coutin reçut la solide éducation de base que le grand séminaire donnait au jeune clergé savoyard en ce début de siècle. Cette formation confortée par des lectures et réflexions personnelles faisait de Monsieur le Curé avec son pendant laïc d'instituteur, les deux autorités intellectuelles de tous nos villages.

L'Abbé Coutin fut d'abord vicaire à la paroisse d'Argentières dans la haute vallée de l'Arve où il s'initiait à la pratique du sacerdoce en milieu alpestre. Rude montagnard lui-même, il fit partie de l'expédition de quelques jeunes guides qui montèrent placer une statue de la Vierge au sommet du Dru sous l'aiguille verte à 3 754 m. Eux la scellèrent, lui la bénit.

Cet exploit sportif montre la stature de l'homme - immense bonté, profonde piété sous une écorce un peu rude. Arrivé en 1928 à St Jean, sa première visite fut pour l'Abbaye, "les ruines" comme on disait alors. Il fut épouvanté de constater dans quel état d'abandon était ce qui avait été le monument le plus ancien et le plus prestigieux de la vallée.

Carte postale de l'abbaye (datant des années 1900 - 1905)

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Pendant dix ans avec des moyens dérisoires, une autorisation des autorités de tutelle, mais aucune aide sérieuse, il réussit à redonner une apparence à l'abbatiale qui était devenue depuis 1824 une carrière de pierres envahie par les ronces où tous les villageois venaient se servir lorsqu'ils avaient à construire ou rénover le chalet familial.. Il réussit à récupérer des chapiteaux des clefs de voûtes que l'on retrouve aujourd'hui scellées sur les embases des piliers arasés, pendant dix ans, jour après jour, il vint à l'Abbaye, s'échappant de son sacerdoce, faire quelques heures de déblaiement, de terrassement, usant pioches, pelles et brouettes. En 1938, il eut sa récompense : pour la fête de Saint Guérin du 26 août commémorant le 800ème anniversaire de son élévation à l'Episcopat de Sion, le pèlerinage annuel traditionnel eut une solennité toute particulière - quatre évêques - une quarantaine de prêtres et une foule innombrable tant savoisienne que valaisane étaient présents pour communier dans le souvenir du saint patron de nos vallées. Pour aussi redécouvrir la splendeur d'un monument certes mutilé mais qui, dégagé de ses débris entassés conservait le plan initial d'une église cistercienne telle qu'elle avait été conçue par les moines du XIIème siècle.

La deuxième guerre mondiale vint interrompre à Aulps comme ailleurs les possibilités d'échanges et replier sur la paroisse les élans missionnaires. Le Curé Coutin n'était pas homme à interrompre sa mission même si elle prenait une autre forme adaptée aux circonstances. Il écrivit.

On lui doit une étude généalogique de la paroisse d'Aulps, une abondante correspondance et la rédaction d'un bulletin paroissial, initiative nouvelle pour l'époque, même si sa forme et son contenu sont très différents de nos bulletins paroissiaux actuels.

Le Père Coutin acheva une vie bien remplie en 1951, il y a un peu plus d'un demi-siècle, âgé et surtout usé par une vie de labeur au service de l'Eglise et de sa foi. Nombreux sont encore les anciens de la vallée qui se souviennent de sa longue silhouette voûtée et de son franc-parler. Une intéressante exposition a été présentée tout l'été dans les salles non encore aménagées de la ferme à l'instigation de la Communauté de Communes de la Vallée d'Aulps qui a résumé et mis en valeur les différents aspects de la vie bien remplie du Révérend Alexis Coutin.

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Saint Guérin

Ce chapitre est consacré à Saint Guérin, son histoire, son mythe.

Saint Guérin, personnage historique et mythique

Nous n'avons que peu de documents sur la vie de saint Guérin, nous savons seulement qu'il est né vers 1062, à Pont-à-Mousson en Lorraine, dans une famille noble, d'un père illustre et d'une mère pieuse. Il manifesta très tôt une vocation religieuse qui semble n'avoir ni été encouragée ni contrariée, par ses parents qui lui avaient cependant donné une éducation parfaite et le goût pour une certaine rigueur de vie. C'est à l'abbaye de Molesme, à la limite nord de la Bourgogne aux confins de la Champagne qu'il choisit de mener la vie religieuse à laquelle il aspirait. A Molesme, une communauté de moines bénédictins, donc clunisiens, s'était constituée en 1075, sous la direction d'un abbé Robert qui devint plus tard saint Robert, initiateur de la réforme cistercienne en 1098 à Cîteaux. A Molesme, Guérin (Garinus en latin), fit son noviciat et mena une vie monacale exemplaire qui le fit remarquer. L'abbé Robert le choisit avec un autre frère nommé Guy pour partir créer un prieuré en Savoie, à l'appel de l'évêque de Genève, Guy de Faucigny. Il s'agissait de promouvoir une réforme de la vie bénédictine plus proche de la règle de saint Benoît de Nursie qui s'était relâchée avec le temps à Cluny.

Grâce à des donations territoriales du comte Humbert II de Savoie et à l'appui "administratif" de l'évêque de Genève, N. D. d'Aulps "Sancta Maria de Alpibus", notre abbaye était fondée en fait sinon en droit sur les bords du ruisseau de Clénant vraisemblablement au printemps de 1093 AD.

A l'époque notre région n'était pas encore touristique, mais plutôt la vallée fermée. Cîteaux à la croisée des routes de Bourgogne et de Champagne était merveilleusement situé au carrefour de l'Europe médiévale pour démarrer la grande aventure cistercienne.

Néanmoins Aulps fut un "novum monasterium" cinq ans avant Cîteaux.

Jean Favre

Saint Guérin, moine, abbé d'Aulps et évêque de Sion

Guérin est né d'une famille noble de Lorraine, au château de Mousson (dans la région actuelle de Pont-à-Mousson) vers 1065. Les anciens écrits disent de lui "illustre par son père, saint par sa mère". Il est entré dans l'abbaye de Molesme à l'âge 15 ans environ, ce qui était courant à l'époque.

Cette abbaye avait été créée en 1075 par Robert. L'abbaye bénédictine de Cluny brillait alors de tous ses feux. Les moines y vivaient théoriquement sous la règle Saint Benoît, mais l'idéal de pauvreté et d'humilité qu'impose cette règle n'y était plus suivi. Après diverses tentatives de vie d'ermite, Robert s'était décidé à fonder une abbaye à Molesme près de Châtillon-sur-Seine aux confins de la Champagne et de la Bourgogne. Cette abbaye est au début un modèle de rigueur : prière, pauvreté et travail manuel. Saint Bruno, le fondateur de la Grande Chartreuse et de l'ordre des chartreux y séjourna entre 1082 et 1084 et y précisa sa doctrine. C'est là que Guérin décide de se retirer vers 1085.

Après des débuts difficiles, la renommée de l'abbaye de Molesme grandit, les donations affluent, les novices aussi. Parmi ceux-ci beaucoup de fils de familles nobles. Ces familles nobles, font des donations et en retour prennent leurs habitudes dans l'abbaye, ce qui nuit à l'austérité et au recueillement des moines. Petit à petit, un relâchement s'installe dans la communauté, du moins dans une partie de celle-ci. Ce n'était plus ce que souhaitait Robert et son prieur Albéric. En accord avec l'abbé Robert, deux moines Guy de Langres et notre Guérin vont quitter Molesme pour se retirer dans la vallée d'Aulps. Ce départ devrait se situer entre 1090 et 1094. Avec une donation des familles d'Allinges et de Ravorée, et l'accord de l'évêque de Genève, ils s'installent à l'endroit où s'élèvera plus tard l'Abbaye, dans la "Combe de la Corne chaude". Cette donation sera ratifiée par le comte Humbert II de Maurienne. Ils étaient devenus au moins 13 (12 et l'abbé en mémoire des apôtres), car, en 1097, ce qui n'aurait du être qu'un prieuré suivant la tradition clunisienne, est érigé en abbaye sous l'autorité de Molesme. Guy de Langres est nommé abbé.

La vallée où s'installe la nouvelle communauté n'est pas un désert. Les terres appartenaient aux familles d'Allinges et de Ravorée. Dès avant 1026, une terre au Biot aurait été donnée à l'abbaye Saint Maurice d'Agaune. Il ne faut pas penser que les bâtiments où vivaient et priaient nos moines ressemblaient à ce que nous pouvons imaginer d'après les vestiges qui nous restent. Les premiers arrivants ont dû se construire des cabanes pour prier et pour dormir. Ils ont eu à cultiver eux-mêmes la terre pour pouvoir se nourrir et pratiquer les aumônes. Les nombreuses donations qui ont suivi témoignent de l'estime inspirée par les moines et de la foi des donateurs. Elles agrandissent le territoire précédemment accordé vers les pâturages d'Evoréa (Avoriaz) et dans la vallée de Mégevette et dans le Jura, à Balerne. Cette dernière donation, érigée aussi en abbaye par Molesme dès 1107, avait sans doute été voulue comme relais sur la route entre Aulps, Molesme et l'approvisionnement en sel à Salins.

A Molesme, devant l'opposition d'une partie des moines à respecter la rigueur de la règle de Saint Benoît, l'abbé et une vingtaine de moines quittent l'abbaye en 1098 pour aller fonder un "Nouveau Monastère" à Cîteaux, au sud de Dijon. Robert sera rappelé à son abbaye par sa hiérarchie, mais Cîteaux continuera, sera déclaré indépendant de Molesme, sous la dépendance directe du pape. Cette séparation d'avec Molesme est peut-être la raison qui pousse l'abbé d'Aulps, Guy, à obtenir en 1102 par une bulle du pape Pascal II l'autorisation pour ses religieux d'élire eux-mêmes leur abbé, conformément à la règle de Saint Benoît.

Vers 1110, à la mort de l'abbé Guy, Guérin est élu abbé par les moines d'Aulps puisque dès lors Molesme n'avait plus à intervenir. Jusqu'à cette date, Guérin n'apparaît pas dans les actes concernant l'abbaye. L'un des plus importants est la bulle, en 1120, du pape Calixte II. Celle-ci affranchit définitivement l'abbaye de la tutelle de Molesme et interdit aux évêques d'excommunier ou de jeter l'interdit contre les abbés d'Aulps. Cette décision sera étendue plus tard aux abbayes de l'ordre de Cîteaux. A partir de cette date, Aulps est maître de son destin. Pourquoi cette protection d'une abbaye vis-à-vis du pouvoir de l'évêque ? La réponse est peut-être dans le fait que, à cette époque, les évêques étaient souvent des seigneurs féodaux plus soucieux de l'accroissement de leurs bénéfices que de spiritualité.

Comme abbé, Guérin ne se mêle pas volontiers des affaires séculières. Pourtant il est témoin et conseiller dans le traité de Seyssel (1124) qui consacre l'évêque de Genève comme seigneur de la ville. Nous le retrouverons aussi comme témoin dans une donation à l'abbaye augustine d'Abondance. Les rapports entre les deux abbayes étaient alors meilleurs qu'ils ne seront un siècle plus tard. Guérin est également cité dans quelques autres actes.

En 1121, Aulps reçoit une donation d'une terre à Cessens, près du lac du Bourget. L'abbé Guérin y envoya des moines et une abbaye s'élèvera à cet endroit. Celle-ci, vers 1125, se déplaça au bord du lac du Bourget. Pour devenir Hautecombe qui sera beaucoup plus tard la nécropole des souverains de la Maison de Savoie.

Guérin n'était pas favorable à l'accumulation de bénéfices qu'il jugeait superflus. En 1113, il reçut de l'évêque de Genève la donation de l'église de Saint Cergues. Jugeant que ce bien n'était pas indispensable à la vie de son monastère, il rendit ces biens à l'évêché. Cette volonté de ne pas accaparer des biens à caractère paroissial ne se maintiendra, hélas, pas longtemps après la disparition du saint.

La vie monastique est rythmée par les sept offices quotidiens, le premier étant à deux heures trente en été. Le travail manuel, aux champs, fabrication et entretien des outils, soins aux animaux, construction et entretien des locaux occupent entre quatre et cinq heures par jour. Il faut y ajouter le Chapitre, où, tous les moines assemblés écoutent un chapitre de la règle de Saint Benoît, s'accusent mutuellement de leurs fautes ou plutôt négligences. Cette réunion de la communauté permet à l'abbé de former les moines à un idéal commun. Guérin décide de regrouper ses moines dans un seul monastère au lieu de les laisser vivre un peu en ermites dans des cabanes indépendantes. Il rend ainsi la clôture plus stricte. Il en sera félicité par une lettre de Saint Bernard.

Le "Nouveau Monastère", créé par Robert de Molesme, connaît des débuts difficiles. Des novices ne viennent pas combler les vides laissés par le décès des précurseurs. Cette situation durera jusqu'à l'arrivée en 1112 de Bernard de Fontaine, futur Saint Bernard, accompagné par une trentaine de nobles compagnons. Ce fut le début de l'essor de Cîteaux. En 1115, Bernard sera nommé abbé d'une nouvelle abbaye créée à Clairvaux. Son action dans les affaires de l'Eglise le conduira souvent en Italie.

Lors d'un retour d'Italie, vers 1135, Saint Bernard rendit visite à Guérin à Aulps, visite confirmée par un acte de donation de la famille de Ravorée. Il serait passé vraisemblablement par Tamié, Hautecombe qui s'affilie à Cîteaux en 1135 et par Aulps. Notre abbaye est reçue dans l'ordre de Cîteaux, dans la filiation de Clairvaux, le 28 juin 1136. La vie de l'abbaye n'en est pas changée pour autant si ce n'est l'introduction de frères convers pour aider les moines dans les travaux manuels. Ceux-ci, en général des laïcs illettrés, prononcent des vœux comme les moines, mais ne sont pas prêtres, n'assistent pas à tous les offices et par conséquent peuvent sortir de la clôture pour aller s'occuper des travaux dans les granges plus ou moins lointaines.

La renommée de Guérin s'était étendue dans la Savoie d'alors et dans les contrées voisines, en particulier dans le Valais, jusqu'à Sion. En 1138, le siège épiscopal étant vacant, à la demande de la population, du comte de Savoie et peut-être de Saint Bernard, Guérin est nommé à cette dignité. Ce n'était pas la première fois qu'un moine (ou un abbé) était appelé à l'épiscopat. On compte à cette époque un pape et quinze évêques cisterciens. Les moines d'Aulps ont été consultés sur la nomination de leur abbé. A cette occasion, Saint Bernard leur adresse une nouvelle lettre où il salue leur sainteté, les exhorte à accepter cette nomination et à élire un nouvel abbé.

Guérin fut un pasteur soucieux de son troupeau. Plusieurs fois, il visita la totalité de son diocèse, portant son attention à l'état de ses églises et chapelles. Comme évêque, il prit la défense des intérêts de son église même contre des seigneurs féodaux parmi lesquels étaient les descendants des donateurs de l'abbaye d'Aulps et même le comte de Savoie. Il inspira aussi une réforme dans l'abbaye de chanoines de Saint Maurice d'Agaune. Il réussit également à réconcilier les Walser alémaniques avec les bas-valaisans romands.

Il avait pris l'habitude de séjourner de temps à autre dans son ancien monastère d'Aulps. Alors qu'il retournait à Sion, les forces lui manquent et sa mule s'abattit. Il dû retourner à l'abbaye où il rendit l'âme. C'était un 27 août. Beaucoup d'auteurs parlent de l'année 1150. Ce qui est sûr, c'est que cette année-là son successeur à Sion signe un document. D'autres chroniqueurs (dont le chanoine de Rivaz) pensent qu'il aurait démissionné de son évêché et serait revenu passer les dernières années de sa vie dans son ancien monastère. Peut-être serait-il mort en 1158. C'est cette date qui est gravée sur la plaque de l'oratoire du Bas-Thex sur le chemin du Biot.

Carte postale de l'oratoire du Bas-Thex (cet oratoire existe encore de nos jours)

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Très vite, le culte de saint Guérin s'installât non seulement dans la vallée d'Aulps, mais plus largement dans le Chablais, le Faucigny, le Valais et aussi en Lorraine et en Champagne. Il fut, dans une économie pastorale, le protecteur des troupeaux.

Louis Charnavel

Les Clefs de Saint Guérin

Le culte de Saint Guérin est très présent dans la vallée d'Aulps et même au delà comme en Lorraine. Il est connu comme protecteur et guérisseur des troupeaux bovins, ovins et chevaux, ce qui n'empêche pas que plusieurs guérisons miraculeuses sur des humains lui sont attribuées.. La représentation traditionnelle est celle d'un abbé mitré tenant sa crosse pastorale d'une main, une clef dans l'autre et encadré par une vache et un mouton.

Qu'est-ce que cette clef ?

A sa mort, vers 1150, Saint Guérin a été enterré suivant la tradition cistercienne. L'église abbatiale a été commencée peu de temps après et achevée au milieu du XIIIème siècle. Un article de l'Inventaire des titres dressé en 1736 (N° 1692 ou Gonthier n° 560) dit:

Acquis fait par les Révérends abbés et religieux d'Aulps, en février 1257, de noble Pierre de Boëge, du consentement de Révérend Aimé, évêque de Genève, des deux tiers de la dîme de la paroisse de Boëge depuis la terre de Sixt jusqu'à celle de Saxel et depuis le sommet de la montagne jusqu'à l'eau de Brévons, et encore de tous les droits qu'il pouvait avoir sur l'autre tiers, comme encore de celle qu'il avait dans la terre ès cribles pour le prix de 50 livres de Genève; donnant la prévalance et mieux vallüe de cette dîme pour tenir une lampe allumée pendant le jour à perpétuité devant l'autel de saint Guérin. Sellé du seau du révérendissime évêque de Genève.

A cette date, il y avait un autel, donc vraisemblablement le sarcophage qui devait contenir son corps jusqu'à la Révolution. Il avait donc été exhumé et des reliques ont du être prélevées comme c'en était la pratique à l'époque.

La clef elle-même est attestée plus tard dans un autre article du même Inventaire (N° 862 ou Gonthier n° 1492) :

Accord fait le 28/08/1512 par devant Révérend sieur Jean de Laconnay, abbé de Monthéron (Vaud), entre dom Jean Trolliet, religieux et sacristain de l'abbaye d'Aulps, et les Révérends dom Jean Lhoste prieur, doms Jean et André de Montfort et les autres religieux, par rapport aux offrandes qui se faisaient à l'autel de saint Guérin, de même qu'à tout ce qui provenait de la clef de ce saint, portant que toutes celles qui se feront le jour de saint Guérin et de saint Loup se partageront également entre lui et tous les autres religieux, à la réserve de la cire qui sera dédiée et appliquée au maintien du luminaire de l'église. Mais pour toutes celles qui se feront les autres jours, de même que celles provenant de la clef, appartiendront au susdit sacristain au moyen d'un florin qu'il donnera, tous les ans, à chaque religieux faisant sa résidence à l'abbaye. Signé Rodolph Deblens, notaire.

Qu'est-ce que cette clef ?

La clef est un reliquaire. Elle contient une relique du saint. Jusqu'au début du XXème siècle il existait trois clefs, une à Armoy, une au Biot, une à Saint Jean. Une étude sur cette question a été faite par l'abbé Roupioz, curé du Biot au début du XXème siècle (Académie Salésienne - Annecy).

Guérin, abbé d'Aulps, portait un cilice (Ceinture de crin portée sur la peau par mortification). Celui-ci était fermé par deux crochets en fer (ou clous). Ceux-ci, conservés par les religieux peut-être lors de la mise dans le sarcophage, ont été utilisés comme reliques. Ces clous sont en fait les véritables reliques.

La première clef a été celle de l'abbaye ainsi que l'indique l'article ci-dessus. A la révolution, les moines durent quitter l'abbaye. En accord avec les moines, des habitants de Saint Jean conservèrent quelques objets dont la fameuse clef de l'abbaye. Au rétablissement du culte, suite au Concordat, en 1803, l'ancien prieur de l'abbaye dom Collet devint curé de la paroisse d'Armoy. Par égard pour lui, ceux qui avaient conservé cette clef la lui rendirent avec promesse qu'elle serait rendue à la paroisse de Saint Jean (dont l'église était à cette époque celle de La Moussière). Cette promesse ne fut pas tenue et malgré les demandes de la paroisse de Saint Jean, le successeur de dom Collet à la paroisse d'Armoy fit la sourde oreille et conserva la relique dans cette paroisse d'où elle n'était pas originaire. Elle y était encore vers 1990. Elle a disparue depuis.

Une autre clef existait au Biot. Elle est décrite par l'abbé Roupioz :

Jusqu'au XVIème siècle, la vallée d'Aulps était partagée en deux paroisses. La partie nord "en bas" (Le Biot, Seytroux, La Baume, La Forclaz et la Vernaz) faisait partie de celle du Biot. La paroisse de Saint Jean comprenait aussi Essert-Romand, Montriond (autrefois nommé Chéravaux) et Morzine.

Cette clef est renfermée dans un étui en étain de forme quadrangulaire fermé par un couvercle de même métal que fixe une longue tresse d'étoffe blanche dont les extrémités sont retenues par des sceaux soit authentiques en cire jaune. Les deux extrémités du reliquaire offrent des renflements, l'un arrondi, l'autre carré qui lui donnent la forme d'une grosse clef.

La relique proprement dite qu'il renferme consiste en un crochet ou clou triangulaire long de treize centimètres, renflé à sa partie supérieure et obtus à son extrémité. Des documents de 1691 disent qu'elle est faite en forme de crochet ayant trois angles, comme un instrument de macération. (Enquête de Rd Aubery, archiprêtre de la vallée d'Aulphs pour la reconnaissance de cette relique). Il est probable qu'elle servait comme clef du cilice du saint dont elle réunissait les deux extrémités en s'enfonçant dans les anneaux.

Clef se trouvant jadis au Biot

Cette clef a été convoitée par les moines de l'abbaye pour la joindre à la leur. Vers 1650, l'un d'eux, originaire de Thonon, tenta de la subtiliser lors d'une exposition de cette clef à Marin. Elle fut reprise par le curé du Biot. Elle fut ensuite "perdue" et ne fut retrouvée qu'en 1690. Ces péripéties sont dues à l'intérêt que l'on portait alors à ces reliques qui étaient la sauvegarde du bien le plus précieux que possédaient les habitants de notre vallée. Un témoin digne de foi m'a affirmé l'avoir connue dans sa jeunesse. Aujourd'hui elle aussi a disparu.

En 1624, des moines de l'abbaye sont appelés par les habitants de la région d'Aigle (canton de Vaud), pourtant protestants, pour imposer la clef à leurs animaux victimes d'une épidémie. C'est un exemple des miracles attribués à la clef.

Ce n'est pas, et de loin, le seul exemple de l'utilisation de ces reliques. A cette époque, et dans notre région, il n'y avait pas de vétérinaire et le recours aux reliques était le seul moyen dont disposaient les habitants pour lutter contre la maladie. Nombreux sont les exemples dans la vallée d'Aulps et les vallées voisines, même ne dépendant pas du domaine de l'abbaye.

Il faut noter aussi que l'utilisation des clefs ne se limitait pas uniquement aux animaux et aux récoltes, mais s'appliquait aussi aux personnes elles-mêmes. Beaucoup de guérisons miraculeuses sont attribuées à l'application des reliques de Saint Guérin, dont les clefs.

La clef actuelle de l'église de Saint Jean date du ministère de Révérand Testu, curé de 1803 à 1818. N'ayant pas réussi à faire restituer par la paroisse d'Armoy la clef provenant de l'abbaye, en accord avec le curé du Biot, ils partagent la relique détenue par cette paroisse. Une partie fut remise dans l'étui du Biot, l'autre fut mise dans un étui que fit réaliser Révérand Testu et qui est toujours exposée dans l'église de Saint Jean.

Vitrail de l'église d'Essert-Romand

Il existe encore une autre clef. Elle se trouve dans l'église de Jeuxey. Cette localité, située près d'Epinal, a depuis longtemps célébré le culte de Saint Guérin (voir Saint Guérin sa vie et son culte spécialement à Jeuxey par l'abbé Duhoux). Une monographie récente concernant l'histoire de cette église donne une reproduction de cette clef. Elle a vraiment une forme de clef, avec au milieu de la tige un renflement contenant la relique. Celle-ci serait une parcelle de la mitre et du cilice du saint.

Louis Charnavel


Etude du plan Gonthier de l'Abbaye d'Aulps

par Louis Charnavel (secrétaire général de l'AAAND'A)

Historique du plan

Ce plan représente les bâtiments conventuels, c'est-à-dire le cloître et l'habitation des moines. Nous ignorons sa date et son auteur, mais il a été vraisemblablement exécuté au cours du XVIIIème siècle à l'époque de la rédaction de l'Inventaire en 1736 (conservé aux Archives Départementales de Haute-Savoie, cote 57 J 68). Le dessin original était, vers 1900, possédé par l'abbé Replumaz qui l'a remis à l'abbé Gonthier. Celui-ci est auteur de la publication de la majorité de l'Inventaire ci-dessus (1905). L'abbé Gonthier l'a prêté ensuite à Ernest Renard, auteur d'une monographie sur l'abbaye d'Aulps. Après avoir été calqué, vers 1920, E. Renard l'a publié dans les Mémoires et Documents de l'Académie Chablaisienne (tomes 43 et 44). L'AAAND'A en a retrouvé un tirage aux archives de cette Académie, et en a donné une copie à Mme Anne Baud-Chemin qui 1'a inséré dans le rapport de fouilles de 1997. Mais le plan d'origine n'était toujours pas retrouvé.

En 2000, il est retrouvé à l'Académie Salésienne d'Annecy, dans les papiers de l'abbé Gonthier. Il est réalisé sur papier à dessin au format 75 x 52 cm. L'AAAND'A l'a fait scanner sur CD-ROM par les Archives Départementales et en possède une copie couleur au format A3.

Que représente ce plan ?

Le plan publié par E. Renard, représente les bâtiments monastiques :

  • les caves,
  • le rez-de-chaussée,
  • le premier étage.

Il ne reste, aujourd'hui, du premier étage que la porte permettant de descendre directement de celui-ci dans le transept sud de l'abbatiale, ainsi que la mention qui en est faite dans l'inventaire manuscrit fait le 1er novembre1792 à l'arrivée des révolutionnaires français (dont la copie est conservée aux Archives Départementales de Haute-Savoie sous la cote 1J1536).

Ce plan à été utilisé lors des fouilles de 1996 et 1997 en ce qui concerne les angles nord-est et nord-ouest du cloître. La largeur de celui-ci trouvée sur le terrain correspond bien à celle du plan.

D'autre part, l'existence de caves, au moins dans la partie sud est évidente, il suffit d'examiner le reste de mur à moitié enfoncé dans ces caves.

L'intérêt du plan d'origine

E. Renard a calqué scrupuleusement le plan d'origine, même la flamme indiquant le titre "Plan de la Maison Abbey d'Aulps St Guérin", ainsi que la légende et l'échelle.

Pour une raison inconnue, il n'a pas reproduit fidèlement la partie des caves. Ces différences sont importantes.

L inventaire (dont la copie est conservée aux Archives Départementales de Haute-Savoie sous la cote 1J1536) indique la présence d'un "bassin en métal pour le jeu d'eau dans le milieu du préau avec quatre tuyaux en letton desquels l'un est courbé".

Ce bassin est aussi signalé (Mémoires et Documents de l'Académie Salésienne, tome XXX, p.IX) "Guillaume III fit creuser par un ouvrier nommé Hugues de Cambrai un bassin à 12 robinets qu 'il plaça dans le préau du couvent où il se voyait au 18ème siècle" (Guillaume III a été abbé de 1209 à 1222).

La présence d'un tel bassin est classique et se retrouve dans toutes les abbayes cisterciennes. Parfois il fait face à l'entrée du réfectoire, comme à Fontenay et Valmagne (par exemple).

Le plan d'origine indique une canalisation (A) qui, compte tenu de la pente du terrain, serait une arrivée d'eau pour le bassin. Il faut une évacuation, c'est la canalisation (B). On profite de cette canalisation pour évacuer les eaux des toits arrivant aux quatre coins du jardin. Ceci est à rapprocher des résultats des fouilles de 1996.

La présence d'un bassin au centre du jardin se vérifie donc.

Il reste les canalisations (C), (D) et (E) dont nous ne voyons pas encore bien l'usage. Il peut s'agir de drainages, de l'alimentation en eau de la cuisine ou de son évacuation.

Cette découverte peut être le point de départ de futures fouilles qui devront être faites avant de mettre en valeur le terrain qu'étaient autrefois les bâtiments monastiques.

plan gonthier

Plan Gonthier (XVIIIème siècle, vraisemblablement)

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Analyse de l'inventaire fait à la Révolution

par Louis Charnavel (secrétaire général de l'AAAND'A)

Nous allons utiliser le plan Gonthier pour vous commenter ce qui restait dans l'abbaye au départ des moines.

En 1792, les troupes françaises entrent en Savoie. Le 1er novembre de la même année, commis par la Commune de Thonon, les citoyens Antoine Antoinoz et Jean-Baptiste Deleschaux dressent un inventaire des titres, papiers, créances, denrées, meubles et bestiaux appartenant aux religieux et qui se trouvent dans les bâtiments de l'abbaye. Cet inventaire est un cahier manuscrit de 17 pages recto-verso dont une copie se trouve aux Archives départementales d'Annecy sous le n° 1JI536.

Les Religieux étaient au nombre de cinq :

  • Dom Collet, prieur, qui deviendra curé d'Armoy après 1805,
  • Dom Guisard, procureur,
  • Dom Carrel, Dom Bugniet, Dom Guillot ainsi que deux frères (convers) Jean et Joseph.

Les domestiques ont été, eux, réunis dans la cuisine. Le nombre de ceux-ci n'est pas connu.

Les espèces ainsi que les vases et objets en argent ont été pesés : 22,75 livres soit environ 11 kg.

Nous savons qu'il y avait dans l'église cinq autels :

  • le maître-autel situé dans le chœur avec 6 gros chandeliers en bois doré, 6 petits et une lampe de cuivre blanchi, l'autel de St Guérin avec aussi 6 chandeliers en cuivre blanchi et une lampe.
  • l'autel de St Bernard avec 2 chandeliers.
  • l'autel de la Vierge avec 4 chandeliers en bois. C'est vraisemblablement celui qui se trouve actuellement dans la chapelle du Bas-Thex avec un retable baroque.
  • l'autel de St Félix avec 2 chandeliers en bois.

En dehors du maître autel, rien dans ce texte ne permet de situer l'emplacement des autres autels. Si celui de St Guérin se trouvait près de son tombeau, à la croisée du transept, il faut admettre qu'une des chapelles Nord modifiées par le percement d'une porte servait à cet usage. L'église renfermait aussi 32 tableaux, une fontaine avec un bassin en cuivre, un orgue neuf de douze registres, une grande horloge à quart et demi. Dans le clocher, quatre cloches, dont deux grosses et deux petites, l'une de ces dernières cassée.

Dans les bâtiments monastiques, l'inventaire des pièces du rez-de-chaussée détaille ensuite tous les ustensiles de cuisines, linges, ainsi que les meubles souvent en mauvais état (vingt et une serviettes "rapettassées"). Il y a des chambres à un et deux lits qui sont sans doute attribuées aux domestiques.

Des pièces servaient de resserre à outils, voir d'atelier de menuiserie. Une clochette près de la porte du réfectoire. Elle servait à annoncer l'heure du repas. Un bassin en métal (bronze) pour le jeu d'eau dans le milieu du "préau" avec quatre tuyaux en laiton desquels l'un est courbé. A la Révolution, la Municipalité de St Jean l'aurait livré à la place des cloches paroissiales réquisitionnées par le Commissaire Albite pour fabriquer des canons.

Au premier étage, la chambre du prieur est précisément indiquée comme ayant 4 fenêtres (repérée 22-P). C'est la plus grande et la mieux située (est et sud), et près des 2 escaliers. Par contre le mobilier en est modeste. Mais il y avait une cheminée. Dans cette chambre se trouvaient plus de 70 volumes, dont des livres religieux, (bibles, règle de St Benoît, privilèges de l'Ordre de Cîteaux, etc.), mais aussi le dictionnaire de Furetière (5 volumes, datant de 1690) et l'Encyclopédie en 26 volumes. Les chambres des autres moines ne sont pas localisées avec certitude, mais c'est certainement les 4 chambres orientées au sud. A part un piano-forte dans la chambre de Dom Carrel et une cheminée, elles sont meublées sommairement. Une pièce servait de bibliothèque. Il y avait 300 volumes presque tous très vieux et non inventoriés, et 40 in-folio. Il doit s'agir de manuscrits anciens concernant les us et coutumes cisterciennes et que toute abbaye de l'Ordre devait posséder. Dans les réserves, se trouvaient différents étains pour un poids total de 248 livres grand poids (environ 120 kg), ainsi qu'un "moine pour échauffer les lits". Le domestique du prieur, le cuisinier, le marmiton ainsi que les deux frères convers logeaient au même étage. La pièce des archives n'a pas été ouverte lors de cet inventaire, l'une des deux clés étant aux mains de l'économe qui n'était pas présent.

Les caves semblent mieux approvisionnées. Il s'y trouve 5 "bosses" de 25 hl., dont une pleine de vin rouge et deux contenant 10 hl de vin blanc. Il s'y trouvait aussi une vingtaine de tonneaux presque tous vides et 30 bouteilles de vin blanc d'Amphion (où l'abbaye avait des vignes). Il y avait aussi de l'huile, du salé, du beurre cuit et de la graisse.

Les écuries renferment :

  • 3 chevaux de 14, 8 et 4 ans.
  • un taureau et une vache à tuer.
  • 15 vaches "très en état et de bonne valeur".
  • dans les "buidons", 4 cochons assez gras.

La laiterie était garnie de matériel pour fabriquer le fromage. D'ailleurs, il y a "deux quintaux" de tommes (environ 100 kg), 15 kg de beurre, des séracs et des vacherins frais.

Le grenier contenait les outils pour travailler les céréales : crible, van et mesures. Les réserves se montaient à 1300 litres de froment, 324 de fèves, 3600 de "bled bataille" (mélange de froment et d'orge) et 130 de pesettes (petit pois). La grange contenait le foin et la paille nécessaire pour l'entretien des bestiaux. Le four était un bâtiment séparé, avec le matériel pour faire le pain et une chaudière en cuivre (pour fabriquer de l'eau de vie ?).

L'inventaire s'est poursuivi avec le cabaret de la Croix-Blanche, sans intérêt. Le moulin semble faire aussi scierie (elle est "ascencée") et battoir pour le lin. Une forge manuelle complétait les bâtiments (un gros étau dont la vis est cassée).

La dîmerie du Biot (en Ombre) consistait en bled bataille et un peu de froment et fèves. Ceci était encore dans une grange, sur place. La coutume était d'attendre la neige pour le descendre et le battre.

Cet inventaire a été signé par le citoyen Deleschaux et par Dom Quisard comme procureur de l'abbaye. Il semble qu'aucune violence n'ait été commise pendant cet inventaire.

Nous ignorons aujourd'hui ce que sont devenus les meubles importants: orgues, horloges, livres et manuscrits.

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Les pistes de lecture : la sélection de l'AAAND'A

(tous ces ouvrages sont consultables à la demande à l'adresse de l'AAAND'A, ainsi que de nombreux autres livres et documents divers acquis depuis la création de l'association)

Auteur
Titre
Commentaires
A. Baud

A. Allimant

L'Abbaye de Saint Jean d'Aulps Etude archéologique - Août 1996.
Baud (Rvd)

Dr Sautier

Etat de la paroisse d'Armoy - 1994 Cette monographie contient de nombreux renseignements sur l'abbaye et St Guérin. Le dernier prieur d'Aulps (Amédée Collet) a été curé d'Armoy en 1803.
Chaperon (abbé) Paroisse de St Jean d'Aulps et ses filiales - 1930 Par un ancien curé de la paroisse. Beaucoup d'informations sur l'abbaye, la période révolutionnaire et la destruction.
Cuttaz (Chanoine) St Guérin et son abbaye N. Dame d'Aulps - 1956 Petite brochure vendue, à l'époque, à la St Guérin. Un peu d'histoire et d'architecture.
Duhoux (abbé) Saint Guérin : sa vie et son culte spécialement à Jeuxey
Emmanuelle Jeannin Chantiers d'Abbayes Une communauté de moines entreprend de bâtir une abbaye au Moyen Age...
Gonthier (abbé) Vie de St Guérin
Hélène Morin Sauvade

Carsten Fleischhauer

Photographies de Claude Sauvageot

Sénanque La thèse d'Hélène Morin Sauvade a pour sujet l'étude de la filiation de l'Abbaye cistercienne de Bonnevaux. Bonnevaux est une abbaye située en Isère - actuellement complètement ruinée - mais qui fut très riche en filiations dans le sud-est à la limite du royaume de France et du St Empire. Nous vous en conseillons vivement la lecture.

Editions ZODIAQUE 2002

Hyacinthe Vulliez (Père) Saint François de Sales, L'Amour au Cœur Le Père Hyacinthe Vulliez est déjà l'auteur de nombreux ouvrages d'histoire et de régionalisme publiés chez Gallimard ou aux Editions du Vieil Annecy. Dans ce monde actuel où les repères sont souvent difficiles à découvrir, la clarté et la Pensée de François de Sales nous donnent heureusement une perception contemporaine de la spiritualité salésienne, si riche.

Editions Le Vieil Annecy

et également

Frère François, le Saint d'Assise - chez Gallimard

Louis Charnavel

Jean Favre

L'Abbaye Notre Dame d'Aulps Première monographie de grande qualité sur l'abbaye - textes et photos, dont le but est la vulgarisation envers le grand public, réalisée par notre association, 32 pages, Editions Gaud, en vente sur ce site, à la rubrique Inscriptions, à St Jean d'Aulps et dans toutes les bonnes librairies de la vallée.
Lugon Clovis Les Religieux en question Etude sur le mouvement cistercien appliqué à Aulps et à St Guérin.
Ménabréa L'Abbaye d'Aulps - 1843 La première étude après la destruction. Histoire, liste des abbés, mais absence d'éléments sur le cloître et l'architecture.
Pol Abraham

Thibout Marc

L'abbaye Ste Marie d'Aulps Etudes de l'église par la Société Française d'Archéologie 1930 et 1933.
Renard Ernest L'abbaye d'Aulps - 1940 Etude historique et architecturale sur l'église, le site et l'enclos. Très complet.
Ruffin (abbé) Vie de St Guérin - 1872
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